Paris, ville nébuleuse, dense... Les terrains constructibles s'y font rares, et pourtant... la Capitale recèle encore des pépites qui ont échappé à la frénésie immobilière, parcelles ou dents creuses disséminés ça et là. Dans le 14e arrondissement, l'agence Wild Rabbits a pris possession de l'une d'elles. En lieu et place d'une minuscule masure, le studio implante un impressionnant drapé de sept niveaux : la Maison plissée.

S'il est dit qu'avoir un lapin à bord de son vaisseau porte malheur, les architectes de Wild Rabbits semblent ici prouver le contraire. Entre le studio Wild Rabbits et leurs clients, c'est en effet une histoire qui remonte à 2010, lorsque le couple découvre son travail dans une émission de télévision présentant son loft auto-construit dans le 18e arrondissement de Paris. C'est décidé, les commanditaires feront appel à lui pour leur projet de maison, qui se révèlera malheureusement infaisable, pour des questions financières. Mais ce n'est que partie remise. Quelques années plus tard, les maîtres d'ouvrage rappellent les deux Wild Rabbits, aka Vladimir Doray et Fabrice Lagarde et leur demandent d'édifier « un truc de fou » sur la parcelle parisienne qu'ils viennent d'acquérir non loin de la gare Montparnasse. Ils ne savaient alors pas encore à quelle sauce ils allaient être mangés !

« Nous avions deux solutions. Soit affirmer la demeure existante de 2/3 niveaux, soit se donner la liberté de faire la résidence hors du commun qui nous été demandée », livre Vladimir Doray. La seconde solution l'emporte. À l'édicule d'origine avec avant-cour succèdera une maison monumentale de 7 niveaux alignée sur le gabarit des immeubles voisins. Toute la gageure d'une telle entreprise consistait donc à faire coïncider deux échelles : celle de l'habitat individuel et celle de l'immeuble parisien. « En trois rendez-vous seulement on avait défini une stratégie et le parti pris architectural : densifier la trame urbaine, résume Vladimir. Ensuite, c'est le lieu qui nous a guidés. »

En effet, retrait et ouvertures découlent directement de l'alignement sur les constructions haussmanniennes voisines et des normes urbanistiques locales. Côté rue, les balcons filants, non comptés dans le COS (Coefficient d'Occupation des Sols) – car disposés en extérieur –, ont ainsi pu être ajoutés au projet, derrière un drapé en maille acier spiralé, sans en augmenter la surface habitable – 258 mètres carrés au total –, tout en mettant la rue à distance et en limitant les vis-à-vis. Cette peau ajourée de 18 mètres de hauteur qui commence au deuxième étage offre aux propriétaires la possibilité de voir sans être vus et de faire pénétrer une lumière naturelle filtrée au cœur de la résidence, enchâssée dans un tissu urbain dense et sombre. Au sol des terrasses, des caillebotis métalliques prolongent ce jeu de transparence de la façade jusqu'au rez-de-chaussée. « On a l'impression que l'on va passer à travers, s'amuse Vladimir. Dans la palette d'outils dont disposent les architectes, je n'avais jamais pensé à utiliser la peur. »
Autre tour de passe-passe réglementaire : le positionnement de zones secondaires – telles que la cuisine –, en partie arrière et en retrait de 2 mètres de la limite de parcelle a autorisé l'intégration d'imposantes baies vitrées, là où cela aurait été impossible avec des pièces principales.

Côté organisation intérieure, le manque de soleil en rez-de-chaussée et l'étroitesse du terrain – 6 x 10 mètres –, ont amené les deux Wild Rabbits à disposer les espaces de vie dans les niveaux supérieurs auxquels l'occupant accède depuis un hall, volontairement sombre, ouvert sur un jardinet. « On voulait une entrée qui nous écrabouille, avant de prendre l'avion avec l'ascenseur et ainsi ressortir un effet de surprise », résume Vladimir. Direction le 6e étage donc, avec sa cuisine ouverte sur un séjour en duplex massivement vitré avec terrasse. En-dessous de lui, sur des plateaux en béton de maximum 40 mètres carrés se déroulent ainsi de haut en bas : pénates des propriétaires, bureau, chambres d'amis et un studio indépendant en double hauteur.

Une distribution atypique pour un projet hors convention dans une ville qui parfois... calle en bourre.

Pour en savoir plus, visitez le site de Wild Rabbits Architecture

Photographies : Daniel Moulinet



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