AIA Life Designers : Salle à tracer Réaliser ses locaux : une gageure pour une agence d'architecture. Alors quoi ? Construire neuf ? Réhabiliter, au risque que la patte de l'ancien prenne le dessus sur le projet ? Ou à l'opposé, réussir une délicate rénovation où le cachet de l'existant n'empêcherait pas les nouveaux occupants d'y apposer leur touche ? C'est ce tour de force que l'agence AIA Life Designers a réalisé dans ses locaux nantais livrés en 2017.Si édifier pour autrui ne tient pas de la sinécure, construire pour soi peut paradoxalement se révéler être un exercice encore plus complexe, surtout pour une agence d'architecture, qui se trouve alors en proie à une certaine schizophrénie : portant à la fois la casquette de maître d'œuvre et de maître d'ouvrage. L'an passé, le studio international AIA Life Designers, fondé en 1975, et plus connue sous son ancien nom AIA Associés, s'est plié avec succès à ce difficile exercice. Un dossier (presque) comme un autre pour lui, qui revêt cependant la dimension supplémentaire de porte étendard.Première étape pour AIA : trouver les locaux d'un nouveau pied-à-terre capable d'accueillir plus de 200 employés. Les membres de l'agence, jusqu'alors basée dans la banlieue de la Cité des Ducs de Bretagne, ont eu un coup de cœur pour les anciens chantiers Dubigeon datant des années 1920, situés en bord de Loire, dans l'ancienne commune de Chantenay aujourd'hui intégrée à la ville. « La Salle à tracer est un reliquat du passé industriel et naval du quartier de Chantenay à Nantes. Ce témoignage isolé ne doit sa survie qu'au sein entêtement de son propriétaire [Jacque Fétis, Président de la société SECODI, ndlr] à vouloir préserver ce morceau d'histoire », comme le livre Pascal Fourrier, associé d'AIA. Un choix qui s'est révélé plus onéreux que celui de la construction neuve, mais que les intéressés ne regrettent pas. Il faut dire que ce hangar de 65 mètres par 13 installé perpendiculairement au cours d'eau est chargé d'histoire. C'est en effet ici, dans la vaste salle à tracer de 800 mètres carrés installée au deuxième étage du monument classé au patrimoine nantais au titre du PLU, que les gabarits des coques des navires était tracés à l'échelle 1, à même le sol au moyen de cales en laiton. « On l'appelle la salle des prieurs car les apprentis travaillaient ici à genoux », raconte Pascal Fourrier. Un passé dont le plancher en sapin conserve les stigmates, que les architectes ont souhaité encapsuler sous une dalle sèche et ponctuellement vitrée – une solution prise de concert avec l'Architecte des bâtiments de France.Ce monument industriel de trois niveaux, abandonné depuis 1969, était dans un état de dégradation avancé, qui a nécessité 9 mois de démolition et de curetage de l'ossature béton – fortement dégradée et pauvre en ferraillage –, qui a dû être frettée à grand renfort d'acier. Certaines croix de contreventement ont par ailleurs due être supprimées car elles rigidifiaient excessivement l'édifice. Une fois renforcée, les alvéoles de ce squelette ont été remplies au moyen de panneaux OSB et d'isolant bois ou Metisse®.Le vaste volume d'origine a ensuite été étendu de 16 mètres au nord, côté rue, dans la continuité du gabarit existant. L'extension, largement vitrée, comprend un cœur technique avec ascenseurs et sanitaires, ainsi qu'un hall d'entrée en triple-hauteur interrompue par un volume suspendu en acier Corten® contenant quatre salles de réunion. Dans un souci de cohérence architecturale, partie neuve en charpente bois et ancienne ont été recouvertes d'une enveloppe robuste et unitaire en VMZinc Quartz, à joints debout en toiture, qui se prolonge en lames de bardage en pignon sud et en cassettes côté extension. En somme, un projet unifié, dans lequel les concepteurs ont installé des salles de réunion et de larges espaces à l'organisation flexible – notamment par le recours à un mobilier sur roulette.Avec cette extension/réhabilitation, AIA Life Designers a su marquer l'édifice de son sceau, tout en valorisant son histoire.Le projet est sélectionné pour les ADC Awards 2019 dans la catégori Tertiaire / RéhabilitationPour en savoir plus, visitez le site des ADC Awards et d'AIA Life Designers.Photographies : G. Satre photographe Précédent Suivant