Le travail de Léa Maleh mêle la spontanéité de l'Art au pragmatisme du design. Installée à Paris, elle répond à nos questions tout en présentant une de ses dernières créations : la transcription contemporaine d'un objet liturgique. Une idée née lors d'un voyage à Lisbonne et inspirée par la richesse et la complexité de la forme et des savoir-faire des objets religieux traditionnels.

"Mon métier serait un peu comme celui d'un chercheur qui récolte des informations, les analyse et les traduit en formes et en couleurs." Léa Maleh

Léa Maleh est une artiste-designer basée à Paris. Née à Beyrouth où elle grandit, Léa Maleh commence sa carrière dans la capitale libanaise. Avant de produire ses propres pièces, elle a partagé ses activités entre l'aménagement d'intérieur et la conception de mobilier design hauts de gamme. Léa Maleh a toujours travaillé à mi-chemin entre art et design, une position riche d'idées qui l'aide à rendre ses projets uniques. Son approche sensible du design la mène sur des projets éclectiques, comme celui de la collection AMN (sélectionné dans le cadre du Prix d'art contemporain Arte Laguna Prize), du Gliding Bar, un bar en acier en porte-à-faux ou encore le Vice-Versa, un bureau en bois de padouk et inox.

MUUUZ Léa, dans nos sociétés contemporaines quels rôles ont, pour vous, l'art et le design ?

Léa Maleh Poser le débat et contribuer à l'évolution de la société. En tant qu'artistes et designers, je pense que notre mission est de continuellement remettre en question l'existant, au-delà de l'esthétisme ou de la fonction de l'objet, et de faire en sorte que l'œuvre présentée puisse porter un message et faire réfléchir.

MUUUZ Vous vous définissez comme une artiste-designer, séparez-vous les deux pratiques, les deux disciplines (l'art et le design), ou bien s'influencent-elles au sein de vos projets ? Comment avec vos mots à vous définiriez-vous votre métier qui semble les réunir ?

L.M. C'est assez difficile de répondre à cette question car, pour moi, les deux disciplines sont toutes les deux des activités de création. Néanmoins, le design est peut être plus pragmatique que l'art, avec une démarche plus structurée sur le choix des matériaux ou des méthodes de fabrication, alors que l'art est plus spontané, presque « brut de décoffrage », centré sur le ressenti, les émotions.

Dans mes projets, l'art et le design seraient plutôt complémentaires, de par ma formation d'architecte et de designer d'un côté, et mon envie de m'exprimer librement de l'autre. Mon métier serait un peu comme celui d'un chercheur qui récolte des informations, les analyse et les traduit en formes et en couleurs.

MUUUZ Vous parlez de voyage, qu'est ce qui influence le plus votre travail, ou vous inspire le plus ?

L.M. L'histoire et les traditions m'inspirent beaucoup. J'aime retourner à la source des objets, m'imprégner de leur histoire, et en même temps les retravailler de façon moderne pour les faire exister dans notre époque tout en rendant hommage au passé, comme pour leur donner une seconde vie. Cette recherche de contraste entre ancien et moderne vient surement de mon histoire personnelle. Ayant grandi à Beyrouth, dans un environnement éclectique, entre Orient et Occident, j'ai surement été influencée par la cohabitation des différences.

MUUUZ Vos derniers travaux veulent rafraîchir une image vieillie de certains objets liturgiques, pourquoi vouloir leur offrir une transcription contemporaine ? Au cœur de ce travail, que garde-t-on du passé pour imaginer les objets du présent ou du futur ?

L.M. Tout est parti d'un coup de cœur. Que ce soit le raffinement des détails, les matériaux utilisés ou les proportions, ces pièces sont absolument magnifiques. En réinterprétant ces objets, l'idée était de leur donner une seconde vie en dehors de toute connotation religieuse. J'ai également voulu rendre hommage aux artisans qui ont fait un travail absolument extraordinaire et dont le savoir-faire est, malheureusement, en voie de disparition. Je trouve que c'est important en général de se rappeler du chemin parcouru par l'homme pour mieux apprécier tout ce qui s'offre à nous aujourd'hui.

MUUUZ Avez-vous déjà d'autres projets de "transcription contemporaine " ?

L.M. Pour tout vous dire, la richesse des objets liturgiques fait que je vais plutôt dans les prochains mois m'atteler à créer de nouvelles pièces pour la collection AMN. En plus d'une troisième pièce sur pied, je développe actuellement des sculptures suspendues, inspirées des encensoirs, qui seront présentées en 2016.

Léa Maleh dans son atelier.

MUUUZ Vous utilisez pour la fabrication de ces objets une imprimante 3D, quels sont les avantages de ces nouveaux médiums dans leurs utilisations pour l'art et le design ? Est-ce que c'est une envie de liberté de création qui vous a poussé à utiliser ce processus de production ?

L.M. J'ai en fait utilisé plusieurs techniques de fabrication pour les sculptures AMN, dont la stéréolithographie (ou impression 3D) par polymérisation pour les petites pièces ou encore le fraisage numérique pour les plus grandes. Utiliser des techniques de fabrication contemporaines était pour moi une autre façon d'adapter ces objets à notre époque avec une volonté d'explorer des nouveaux processus de production.

Ce qui me pousse à continuer ces expérimentations c'est notamment le fait qu'à ma grande surprise, la main de l'homme est omniprésente et reste indispensable dans la fabrication numérique. Chacune des sculptures a nécessité plusieurs centaines d'heures de travail manuel, avant, pendant et après la production, pour arriver à l'objet final. C'est, pour moi, une nouvelle forme d'artisanat, que j'appelle artisanat 2.0 et dont on ne parle pas assez.

Et, pour revenir à ce que je disais plus haut, le projet AMN est un exemple concret de contraste : entre le style manuélin et le style contemporain, l'artisanat traditionnel et l'artisanat 2.0, le bronze et les matériaux composites.

Pour en savoir plus, visitez le site de Léa Maleh



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