Le projet du mémorial du camp de Rivesaltes est un projet puissant qui tire sa force de l'histoire qu'il défend au service de la mémoire collective. L'architecture opaque et presque brutale du mémorial exprime la violence qu'a pu connaitre le lieu. Le monolithe conçu pour le projet reste néanmoins humble, malgré ses dimensions il ne s'impose pas au lieu.

Le bâtiment du mémorial est implanté sur la place centrale : la place d'appel de l'ancien camp, aujourd'hui au milieu des ruines des baraquements. Les architectes ont choisi de construire un bâtiment monolithe dont l'extérieur et l'intérieur sont recouverts par un béton teinté d'un rouge ocre, rappelant celui de la terre du site. Celle du sol dans lequel il s'installe, où il a été enfoncé, partiellement dissimulé et d'où il émerge péniblement en dépassant pas l'altimétrie des baraquements présents dur le site. Un processus et une posture de respect face au lieu qui n'enlèvent rien à la puissance du message architectural souhaité par ses concepteurs. La violence du lieu et de son histoire s'exprime au travers d'une architecture engagée au service de la mémoire collective. A l'intérieur le visiteur est coupé du monde, le bâtiment n'offre presque aucune vue sur l'extérieur. Toute l'architecture est vouée à la composition d'un parcours dans lequel le visiteur s'abandonne, elle devient le vecteur de l'histoire. Les matériaux se conjuguent et la forme du bâtiment n'a laissé que quelques patios offrant air et lumière à certains éléments précis du programme. Pas d'ouvertures, ni de fenêtres, les salles sont entièrement dédiées aux expositions.

Depuis le parking, le visiteur emprunte un long chemin qui le fait entrer par la porte principale du camp. Face à lui se dessine peu à peu la géométrie du monolithe de 240 mètres de long abritant le mémorial. Sur la gauche une longue pente douce, se terminant par un tunnel, constitue un premier seuil, un premier passage obligé où le visiteur descend au niveau du bâtiment. Un accueil à l'échelle du lieu dirige les visiteurs vers un long couloir d'où peu à peu il perd la lumière naturelle pour ensuite arriver au cœur de la grande salle d'exposition où une scénographie sobre raconte le lieu. Le programme divise le bâtiment en quatre entités : une première partie est dédiée à un centre de documentation de recherche et d'enseignement qui profite de la lumière d'un grand patio ; la seconde est occupée par les espaces d'accueil du public, vestiaires & sanitaires, mais aussi une librairie et un café où l'on prend le temps de réfléchir et de penser à une époque pas si lointaine ; la troisième partie dans le plan accueille les bureaux mais est surtout longée par le couloir d'entrée pensé véritablement comme une plongée vers l'histoire et l'exposition occupant une grande salle aux dimensions spectaculaires en quatrième partie de plan.

La scénographie de la grande salle d'exposition, conçue par l'agence Koya, s'organise autour d'une table s'étalant, au centre, sur toute la longueur de la pièce. Documents et quelques objets de l'histoire du camp y sont exposés. Sur les murs de la pièce sont projetés des films muets en noir et blanc. La couleur et la texture du béton rouge et brut se mélangent aux témoignages historiques. Face à ces films sont disposés de petits mats sur lesquels des écrans sont posés à la verticale, les visiteurs peuvent interagir avec eux et écouter le son de témoignages. L'exposition est divisée en six parties : la première introduit et la dernière conclue et ouvre la réflexion sur le monde d'aujourd'hui au sujet des populations déplacées. Les quatre autres correspondent aux quatre époques du camp de Rivesaltes. D'un point de vue architectural, les architectes ont été maitres de la coupe de la salle. La matière béton est la plus présente, les éléments techniques, de projection, de lumière ont tous étés contenus à l'intérieur d'un coffre filant placé au dessus de la table centrale. Le résultat est une salle où encore plus qu'ailleurs l'on sent la présence du béton du monolithe. Il est seul à encadrer et à recueillir l'exposition, les tripailles techniques ont subtilement étés rassemblées et dissimulées. Les mêmes soucis de détail et de maitrise du projet ont été appliqués tout au long de la transcription formelle et architecturale du programme.

Photographies : O. Amsellem, M. Hédelin / Région Languedoc-Roussillon

Pour en savoir plus, visitez le site de Rudy Ricciotti, de Passelac & Roques Architectes et de l'agence Koya

 



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