D’abord dessinateur, l’artiste parisien Hadrien Durand-Baïssas (né en 1992) préfère aujourd’hui la pluridisciplinarité et construit une œuvre protéiforme, allant du dessin à la musique, en passant par l’installation. Nous avons discuté avec lui de son parcours, de sa pratique artistique et de ses réflexions.

Muuuz : Pouvez-vous nous résumer votre parcours ? Comment avez-vous commencé à dessiner ?
Hadrien Durand-Baïssas : J’ai commencé à dessiner en atelier de dessin à Paris lorsque j’étais au lycée. La plupart du temps, je dessinais pendant mes cours au lieu de prendre des notes, mais finalement cela a porté ses fruits puisque j’ai intégré l’Atelier de Sèvres juste après le bac. Puis, j’ai étudié le design graphique à Paris également pour ensuite travailler en freelance tout en poursuivant ma pratique artistique. Aujourd’hui, je travaille en tant que directeur artistique et artiste plasticien à New York.

Pourquoi avez-vous choisi de vous installer outre-Atlantique ? Quelle étape représente ce séjour dans votre parcours ?
Vivre à New York représente une étape considérable dans mon parcours. J’y ai emménagé car j’avais soif d’aventure en dehors de la France, et aussi parce que de nombreux projets m’attendaient là-bas. Je pense que c’est une ville complètement dingue où les artistes sont traités différemment qu’en France. À New York, j’ai l’impression que l’art occupe une place majeure au quotidien : on y rencontre très souvent des gens avec une énergie folle qui nous embarquent dans des projets tous plus fous les uns que les autres. C’est d’ailleurs cette effervescence qui m’a poussé à sortir de ma zone de confort et à tester de nouveaux mediums comme les installations lumineuses ou la 3D.



Comment définiriez-vous votre pratique artistique ? Quels sujets abordez-vous dans vos œuvres ?
Je ne sais pas moi-même comment définir ma pratique artistique. Elle est un peu instable et accidentelle. J’ai adoré ne pratiquer que le dessin pendant des années et je ne m’en lasserai jamais, mais la vie est faite de surprises. Lorsque je suis séduit par de nouvelles pratiques, je suis immédiatement tenté de les incorporer dans mon travail artistique. J’ai été trop longtemps préoccupé par le fait de devoir pratiquer une seule technique, et c’est d’ailleurs souvent ce que l’on attend d’un artiste. Aujourd’hui, l’idée de rester enfermé dans une seule technique m’angoisse. Je pense que la création est un processus vaste qui peut s’appliquer dans une infinité de domaines. Je découvre désormais de nouvelles palettes d’expression artistique comme les installations immersives. Pour mes sujets, j’ai d’abord dessiné avec des stylos Rotring pour représenter des espèces animales en voie de disparition, puis des allégories antiques dans un univers de science-fiction. Aujourd’hui, je continue à traiter cette ambiance dans des installations lumineuses à la tonalité futuriste. Je réfléchis sur la géométrie, les impressions inexplorées, ainsi que sur la place de la technologie dans notre ère actuelle, son utilisation à des fins artistiques et son impact sur notre civilisation. Je questionne cette évolution progressive de l’homme vers une nouvelle espèce hybride mi-homme mi-machine.

Où puisez-vous vos sources d'inspiration visuelles, conceptuelles et artistiques ?
Beaucoup de mes inspirations viennent de ce que je découvre en parcourant internet et en visitant les nouveaux musées new-yorkais dédiés à l’art et la technologie. Très souvent, je m’inspire du design graphique actuel ou de créations digitales surréalistes. Je suis fasciné par les univers d’artistes graphiques 3D et vapor wave comme Baugasm, Lordess.foudre ou Dorian Legret, mais aussi par ceux de designers minimalistes et d’artistes du mouvement Light art tels que James Turrel, James Clar et Refik Anadol. Les peintures classiques ou modernes sont aussi des sources d’inspiration, sans oublier les sculptures de la Grèce et de la Rome antiques. Caspar David Friedrich et Salvador Dalí sont les peintres qui m’inspirent le plus. Tout ce qui captive mon regard au point de ne plus pouvoir en décrocher ou qui me questionne est une source d’inspiration. J’étudie ensuite l’œuvre, la composition, la technique utilisée, l’effet d’ensemble, le sujet et la démarche de l’artiste.

Vos installations et vos scénographies sont immersives. Quelle place occupe le regardeur dans vos œuvres ? Dans quel espace de réflexion l'invitez-vous ?
Dans mes installations, si l’observateur se sent plongé dans un univers qui le sort de son brouillard quotidien, l’immerge dans un monde différent de son environnement habituel et lui donne l’impression d’atterrir dans une succursale onirique proche de celle de ses rêves, mon pari est réussi. Mes installations me permettent de solliciter le regardeur en lui procurant différentes sensations que l’on ne peut pas forcément ressentir devant une création graphique. Le regardeur n’est plus un simple observateur mais devient acteur de l’œuvre. Je souhaite par-dessus tout dévoiler au regardeur de nouveaux horizons et réflexions pour le pousser à devenir non seulement acteur de l’œuvre, mais aussi l’élément conscient qui donnera vie à cet ensemble, c’est-à-dire le maillon indispensable de mes installations. Sans le regardeur, elles ne seraient qu’un décor surréaliste laissé à l’abandon comme un vestige archéologique à découvrir. C’est à travers des réflexions sur l’espace, le temps et notre place dans cet espace-temps que j’essaie de captiver l’attention de l’observateur.



Avez-vous déjà commencé à explorer de nouvelles manières de créer durant le confinement ?
Comme beaucoup de monde, le confinement a été une bonne opportunité pour moi de me recentrer sur mes projets personnels et mes priorités. J’ai travaillé sur la réalisation de websites pour la marque de platines vinyles haut de gammes Pro-Ject Audio USA, ainsi que pour la marque nord-américaine Sumiko Audio. J’ai aussi travaillé sur des morceaux. Bien que je mette principalement en avant mon travail plastique, je suis également musicien : je compose et produit avec du matériel analogique des chansons qui sont connectées à mon univers graphique et qui reflètent mes rêveries diurnes dans une ambiance cosmique. J’ai également profité de ce moment inédit pour mieux comprendre comment je pourrais associer cet univers musical à mes créations artistiques. L’idée de réaliser des animations et des vidéos qui allieraient à la fois ambiances musicales et visuelles a particulièrement retenu mon attention. Avec ces nouvelles idées, je rejoins ce que j’expliquais précédemment : continuer dans cette liberté de mixer différents médiums pour découvrir et partager des expériences sensorielles nouvelles.

Quels sont vos prochains projets ?
Je vais continuer à développer AG Studios, l’agence créative que nous avons créée avec des amis à New York. Je travaille en ce moment avec des clients sur les identités graphiques de leur marque, ainsi que sur la réalisation de leurs sites web. Je vais également mettre à profit les réflexions que j’ai pu avoir durant le confinement pour produire des nouvelles séries d’œuvres, visuelles, musicales ou encore in situ. J’envisage aussi de produire les projets qui m’attirent le plus tout en essayant de révéler un ensemble hétéroclite ayant pour colonne vertébrale une vibration onirique et surréaliste dans laquelle je me reconnais.

Pour en savoir plus, visitez le profil Instagram et le site de l’artiste Hadrien Durand-Baïssas, ainsi que le site de AG Studios.

Visuels : © Hadrien Durand-Baïssas

Léa Pagnier

 



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